Stefaan
« Donner cours m’a aidé à penser à autre chose et à ne pas trop m’inquiéter »
Stefaan Vandenbussche (66 ans) raconte la fin abrupte de sa carrière d’enseignant après un cancer du poumon
L’année passée en septembre, Stefaan Vandenbussche devait prendre sa retraite. Il attendait ce moment avec des sentiments partagés. « J’aimais énormément mon métier de professeur et je savais que le contact avec les élèves et mes collègues allait me manquer. » Mais durant sa dernière année scolaire, on lui a diagnostiqué un cancer du poumon. Stefaan a donc dû s’arrêter plus tôt que prévu. Ce fut un choc.
Les cinq dernières années de sa carrière, Stefaan a enseigné le néerlandais avec passion dans une école technique. Avant cela, il avait travaillé dans l’industrie de la peinture et au Parlement flamand, mais en décembre 2019, il a fait le choix délibéré de se reconvertir dans l’enseignement. « Peu après mon entrée en fonction, le coronavirus a éclaté. Avec mes nouveaux collègues, nous avons dû en urgence développer un programme en ligne. Cette collaboration intense m’a permis de me sentir très vite à ma place dans l’équipe », se souvient Stefaan. Le courant est également bien passé avec ses élèves. « Je n’étais pas un professeur qui suivait aveuglément les manuels. J’aimais discuter avec eux. Il y avait des garçons et des filles dans mes classes qui osaient parfois semer la pagaille, mais j’entretenais avec eux une bonne relation. »
Des nuages à l’horizon
Environ un an avant sa retraite, Stefaan s’est mis en maladie à l’école à cause d’une pneumonie. « J’ai reçu un traitement et je

me suis vite senti mieux. Seule la toux persistait. Il suffisait d’un peu de patience, pensais-je à ce moment-là. J’étais surtout content de pouvoir retourner en classe. » Quelques semaines plus tard, Stefaan s’est mis à cracher du sang. Un moment d’effroi, avoue-t-il. Il s’est rassuré en pensant qu’il s’agissait encore d’un résidu de sa pneumonie, mais il a quand même consulté son médecin par précaution. Celle-ci l’a envoyé passer un scanner à l’hôpital.
« Un mercredi après-midi libre, mon médecin m’a appelé pour me recevoir le soir même. C’était une journée printanière ensoleillée. Rien ne laissait présager que de sombres nuages s’annonçaient. » Lors de cette consultation, lui et sa femme ont appris les résultats du scanner : Stefaan avait un cancer du poumon, avec des tumeurs dans les deux poumons. « Au début, je n’ai pas vraiment réalisé ce que cela signifiait. Ce n’est qu’une fois le parcours médical lancé que la réalité a commencé à s’imposer peu à peu. » En attendant les examens complémentaires et un plan de traitement, il voulait à tout prix continuer à donner cours. « Les premières semaines n’étaient qu’attente. Attente des résultats, des rendez-vous, de la clarté. Le contact avec mes élèves m’a aidé à penser à autre chose et à ne pas trop m’inquiéter. »
« Mes élèves pensent encore à moi. Un jour, certains sont venus chez moi avec un bouquet de fleurs. »Stefaan
Les examens ont heureusement révélé l’absence de métastases, ce qui a été un grand soulagement. La tumeur du poumon droit était assez petite pour être opérée. Pour celle du poumon gauche, une chirurgie n’était pas possible. Stefaan allait suivre une chimiothérapie et une immunothérapie en parallèle, suivies d’une radiothérapie. Le début du traitement a aussi marqué le début de son congé maladie. Il a eu du mal à accepter que sa carrière se termine de manière aussi brutale. En juin, il se sentait suffisamment bien pour retourner voir ses collègues et élèves à l’occasion de la fin de l’année scolaire. « Quand je suis arrivé à l’école, tout le monde voulait savoir comment j’allais. J’ai reçu plein de cartes. Ce fut une journée très émouvante, mais belle. »
Une confiance totale
« Mon traitement s’est globalement bien passé. J’ai eu parfois des nausées, mais les effets secondaires ont été bien moindres que ce que je craignais », confie Stefaan. « Dès l’annonce du diagnostic, j’ai promis à ma famille de ne pas consulter le docteur Google et de faire pleinement confiance aux médecins et à l’équipe hospitalière. Cette confiance n’a fait que grandir tout au long du parcours. L’hôpital était pour moi un havre de paix, une source d’apaisement dans cette période turbulente. La gentillesse du personnel soignant, l’écoute des médecins, le contact avec d’autres patients : cela m’a beaucoup aidé, et je souhaite cette expérience à toute personne atteinte de cancer. »
« La gentillesse du personnel soignant, l’écoute des médecins, le contact avec d’autres patients : cela m’a beaucoup aidé, et je souhaite cette expérience à toute personne atteinte de cancer. »Stefaan
Quand son traitement s’est terminé après sept mois, Stefaan et son épouse ont voulu reprendre leur vie en main au plus vite. Ils ont réservé un voyage en train de dix jours vers Vienne, une aventure qu’ils attendaient avec impatience. « Et quelle aventure », sourit Stefaan. « Dès notre arrivée, une fatigue intense m’a envahi. Après dix minutes de marche, j’étais épuisé. Je ressentais une pression dans les bras, qui s’est ensuite étendue aux jambes. À cause de la barrière linguistique, je n’ai pas osé aller à l’hôpital en Autriche. Rarement une chambre d’hôtel n’a été aussi bien exploitée. J’ai surtout passé mon temps au lit. Heureusement, nous avons quand même pu assister à deux opéras et un concert. Tant que je pouvais rester assis, ça allait. »
De plus en plus fort
De retour en Belgique, Stefaan a appris qu’il avait un pneumothorax. Son taux d’oxygène était très bas et il n’avait plus aucune énergie. Il a dû être hospitalisé pendant presque deux semaines. Ensuite, il a décidé de travailler à sa récupération physique. « J’ai commencé par faire de petites promenades, puis je me suis mis au vélo électrique. » Le virus RSV et un zona sont venus contrecarrer ses efforts, et à chaque fois il avait l’impression de devoir repartir de zéro. Un an après le diagnostic, il a décidé de suivre une revalidation oncologique, qu’il continue encore aujourd’hui. « Je sens que je progresse physiquement. Je suis encore plus vite fatigué qu’avant, mais je fais attention à ne pas me surmener. Et sur le plan mental, cette revalidation me renforce aussi. Parler avec d’autres permet de relativiser sa propre situation. »
« Je me sens bien, même si je suis plus vite fatigué qu’avant. Je veille moi-même à ne pas me surcharger. »Stefaan
Aujourd’hui, Stefaan se sent bien. Il se rend à un contrôle tous les trois mois. Dès le début, il a décidé d’aborder la situation de manière pragmatique. « J’ai l’impression d’y être parvenu. » Il ne sait pas exactement comment il a contracté ce cancer du poumon. Était-ce à cause de la cigarette dans le passé ? Ou des vapeurs toxiques dans l’usine de peinture où il a travaillé ? Il ne se pose pas la question. « On ne peut pas remonter le temps. » Son poumon droit est maintenant totalement débarrassé du cancer. Dans le poumon gauche, il reste une petite lésion, qui est étroitement surveillée. « Si la tumeur devait redevenir active, on verra quelles sont les options de traitement. Je ne m’en fais pas pour l’instant. »
Stefaan est officiellement à la retraite depuis presque un an. « Pourtant, j’ai encore l’impression d’être en congé maladie. Je reste en contact avec l’école. Parfois, je remplace un collègue malade ou j’accompagne une sortie scolaire. J’adore ça, ça me détend. Mes élèves pensent encore à moi. Un jour, certains sont venus chez moi avec un bouquet de fleurs. Ce sont des garçons au grand cœur, dont bien des adultes pourraient s’inspirer. » En décembre, Stefaan a encore envoyé un e-mail à ses anciens élèves pour leur souhaiter bonne chance pour leurs examens. « Samir, le plus grand filou de ma classe, m’a répondu : “Merci Monsieur. Je vous souhaite de vivre encore longtemps.” J’espère que son vœu se réalisera. »